Franck Montaugé

Sénateur du Gers

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Combats de Viella en 1944: Honneur aux “soutiers de la gloire”.

Publié le 2 août 2019

Le 26 juillet dernier, le sénateur Franck Montaugé a participé à la cérémonie commémorative des combats de Viella du 26 juillet 1944. Au cours de cette journée terrible, une forte colonne allemande en provenance de Pau est tombée sur un poste de commandement du Corps Franc Pommies. 14 jeunes hommes engagés dans la Résistance ont perdu la vie, froidement exécutés pour la plupart d’entre eux. Voici le discours qu’a prononcé à Viella le sénateur Montaugé:

“Au-delà de l’émotion qu’il suscite toujours pour les républicains que nous sommes, le devoir de commémoration est toujours un exercice difficile, je le ressens profondément comme cela, quand il s’agit de faire le choix de mots dont on sait qu’ils ne sont jamais à la hauteur des figures historiques des Martyrs dont nous rappelons le sacrifice. Alors, pour donner sens au sacrifice suprême de ceux que nous honorons aujourd’hui, vous me permettrez de dire les mots d’un grand Résistant, Pierre Brossolette, entré au Panthéon le 15 mai 2015 avec Geneviève Anthonioz de Gaulle, Germaine Tillon et Jean Zay.

Les 14 maquisards de Viella qui ont donné leurs vies dans des circonstances infâmes, Pierre Brossolette les avait à l’esprit lorsque dans un message radiophonique donné à la BBC de Londres le 22 septembre 1942 il disait: À côté de vous, parmi vous, sans que vous le sachiez toujours, luttent et meurent des hommes — mes frères d’armes —, les hommes du combat souterrain pour la libération […], combattants d’autant plus émouvants qu’ils n’ont point d’uniformes ni d’étendards, régiment sans drapeau dont les sacrifices et les batailles ne s’inscriront point en lettres d’or dans le frémissement de la soie mais seulement dans la mémoire fraternelle et déchirée de ceux qui survivront ; saluez-les. La gloire est comme ces navires où l’on ne meurt pas seulement à ciel ouvert mais aussi dans l’obscurité pathétique des cales. C’est ainsi que luttent et que meurent les hommes du combat souterrain de la France. Saluez-les, Français ! Ce sont les soutiers de la gloire.

Ces hommes du combat souterrain pour la libération, comme nous invitait Pierre Brossolette il y a 75 ans, je les salue avec vous et je veux dire leurs noms:

  • Robert ALLAVENA,
  • Gilbert DARRICAU,
  • André DERIT,
  • René DUFAURE,
  • Louis DURIEUX,
  • Jacques GLANDAZ,
  • Gustave HENGY,
  • Francis LANINE,
  • Ernest LIBIS,
  • Joseph MENDOZA,
  • Louis SENSEBY,
  • Roman SERRANO-HERRERA,
  • Charles TISON,
  • André VARINI

Ceux-là œuvraient dans l’obscurité pathétique des cales, ils ne savaient pas la fin de l’histoire et ils n’en connaissaient que le risque d’une vie, à peine commencée, qui pouvait s’arrêter d’un moment à l’autre. Ce don absolu de soi pour les autres, forme indépassable de la Fraternité républicaine, ils l’ont fait pour ceux de leur temps mais aussi pour nous tous qui sommes là et pour ceux qui nous suivront. Par leur comportement, ils nous donnent à penser l’engagement civique porté au plus haut niveau d’exigence, ils nous interrogent sur notre rapport-même aux valeurs qui fondent et donnent sens à la République : Liberté, Égalité, Fraternité !

Disons sans relâche et au risque de nous répéter que ce que nous enseignent ces années noires, c’est à quel point nos démocraties sont fragiles. Dans le confort, parfois, de nos certitudes d’aujourd’hui, beaucoup ont le sentiment que notre démocratie républicaine est éternelle. Rien n’est moins sûr et les enquêtes d’opinion nous apprennent qu’une proportion considérable de français ne voient plus dans la démocratie le meilleur des systèmes à l’exception de tous les autres comme disait un éminent Britannique (1), grand Résistant lui aussi et à qui nous sommes tous redevables.

Dans un monde où les repères se brouillent, où les valeurs du Pacte Républicain sont profondément interrogées, parfois dans la complexité des tensions de toutes sortes, certains incitent au choc des civilisations, aux rapports de forces. Je crois au contraire que dans ce moment où montent tout à la fois les risques et la tentation du repli sur soi, où certains s’interrogent sur l’identité française et sur le sens que l’Europe doit prendre dans un concert international troublé, nous devons être plus que jamais vigilants.

Trouvons dans la force de l’engagement des soutiers de la Gloire que furent les 14 Martyrs de Viella, la plus haute exigence républicaine à nos conduites de citoyens !

Vive la République ! Vive la France !”


1- Winston Churchill disait : « La démocratie est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres.»

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Centenaire de la Grande Guerre: Berrac, au service de l’Humanité, ravive la flamme du souvenir

Publié le 15 octobre 2018

Le dimanche 14 octobre 2018, le sénateur du Gers Franck Montaugé a été invité à participer à la cérémonie commémorative du centenaire de la Grande Guerre organisé à Berrac. Voici le discours qu’il a prononcé devant le monument aux morts du village qui s’est vu décerner, avec onze autres communes gersoises, le label de la mission du centenaire de 14-18 pour la qualité et l’originalité de sa cérémonie commémorative.

Mme la Préfète, Mme la députée, Mesdames et Messieurs les élus, M. le maire de Berrac, Mrs. les Maires, je salue les autorités civiles, militaires et religieuses, les représentants des anciens combattants, chers enfants, Mesdames et Messieurs,

Merci M. le Maire pour votre discours exceptionnel et pour le courage que vous nous donnez en exemple. Je vous souhaite un prompt rétablissement. Merci de m’avoir invité à partager avec vous ce moment de commémoration de l’armistice de 1918. J’y suis d’autant plus sensible que la commune de Berrac fait partie de mon histoire familiale et que mon grand-père paternel, né ici en 1901, connaissait certainement les 7 Berracais morts au champ d’honneur et leurs familles. Par-delà le siècle qui s’achève, il y a là un lien sensible qui me touche.

Je salue respectueusement les descendants ici présents de ces jeunes hommes morts pour la France. Dans ces circonstances, j’ai aussi une pensée pour mon aïeul Adrien Nux dont le nom figure sur le monument aux morts de Condom. Vous m’offrez aussi la possibilité, M. le Maire, de vous féliciter pour le label* que votre commune a reçu de la mission du centenaire pour cette cérémonie exceptionnelle.

Le département du Gers a payé un très lourd tribut à ce conflit : 8265 « morts pour la Patrie », dont 1429 disparus et aussi 3604 mutilés et les 7 Berracais que nous honorons. Le tribut à la guerre des populations paysannes de France est énorme. Le Gers en perdant 12,5% de sa population entre 1911 et 1921 – le chiffre pour la France est de 5,3% – sort considérablement affaibli.

Et je veux ici rendre hommage, parce qu’on les oublie trop souvent, aux femmes qui ont remplacé les hommes, dans les champs en particulier. Elles ont tenu à bout de bras notre pays et les lettres de Mme Roucault en témoignent. Merci les enfants pour la sensibilité et l’émotion avec lesquelles vous avez restitué ces lettres si émouvantes de Mme Roucault à son fils Fernand. Et vous me permettrez de débuter mon propos à partir du sens personnel que je trouve aux paroles de cette maman, Mme Roucault.

Je crois profondément que l’humanité se construit pour une très grande part dans la relation première et privilégiée de la mère à son enfant. Comme je crois, et les témoignages écrits de 14-18 nous le disent sous des formes diverses dont la littérature** est la plus fortement expressive, que la guerre est l’antithèse absolue de la civilisation, même si elle lui est consubstantielle… et cela dit beaucoup de la complexité de l’Homme.

Pour moi, la maman d’un côté, la guerre de l’autre, bornent le spectre des mille et une manières de se comporter avec humanité. Et l’humanité n’est pas un acquis mais une construction, une construction fragile toujours à interroger pour la perpétuer au fil des générations. De manière éloquente, le grand poète Paul Valéry ne disait pas autre chose quand il écrivait dans son ouvrage de 1919 intitulé « La crise de l’esprit » : « Nous autres civilisations, savons désormais que nous sommes mortelles. »

Et en définitive, c’est l’interrogation fondamentale sur le « sens » à construire et à donner à notre vie en société qui constitue pour moi l’interpellation majeure du cycle de commémoration qui se termine en novembre prochain. Le XVIIIe siècle, on le sait, accouche d’un humanisme européen, auquel contribuent de façon éclatante les philosophies nées au sein des sociétés des deux belligérants principaux de la Grande Guerre. Et s’il fallait donner des noms de grands hommes pour illustrer ce propos, je citerais pour notre pays Condorcet avec son « Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain » et, côté allemand, prussien, Kant avec son « Projet de paix perpétuelle». On pourrait en trouver beaucoup d’autres.

Et pourtant, malgré cette haute culture, ce degré de civilisation élevé qui lui est consubstantiel, l’effondrement absolu advient, un peu plus d’un siècle après la production de ces œuvres qui honorent l’esprit humain, pour être ensuite renouvelé 20 ans après, avec une ampleur décuplée ! Mais je vous l’accorde la Politique ne se fait pas avec de la philosophie, même si cette dernière y contribue bien entendu. Et vous me permettrez de vous faire partager quelques réflexions que je veux constructives.

Penser la guerre, dans ses différentes dimensions, humaine, technique voire spirituelle, c’est aussi interroger la nature de l’être humain et de l’être humain en société. C’est pour cette raison aussi que des manifestations comme celle qui nous rassemble aujourd’hui sont précieuses. L’émotion qu’elle suscite en nous doit être dépassée. Elle doit ouvrir à une exigence de compréhension et de sens nous servant à construire une société plus juste et plus éclairée.

La Grande Guerre a duré quatre ans. Elle a provoqué la mort de huit millions d’hommes, engloutie trois empires, sapé les idéaux de l’humanisme des Lumières. Première guerre des temps modernes, elle fut la guerre des innovations techniques, de la production de masse, de la mobilisation de toutes les ressources : humaines, économiques et psychologiques. Ses victimes étaient de toutes nationalités et de toutes origines. Guerre totale, elle s’est faite dans toutes les dimensions, sur terre et sous terre, sur l’eau et sous l’eau, dans les airs. Elle s’est faite par tous les moyens, des charges de cavalerie aux corps à corps de tranchées, des bombardements aux chars d’assaut, des gaz asphyxiants aux grenades au phosphore. Le fait majeur, inédit, est que le soldat n’y a plus guère été que le serviteur et la victime de la machine.

La Grande Guerre est une révolution à elle seule, fille de la révolution industrielle, mère des révolutions politiques qui créent la République des Soviets en Russie, la République de Weimar en Allemagne et donnent à l’Europe centrale son apparence pour deux décennies, jusqu’à l’Anschluss et l’invasion de la Pologne par le IIIeReich en 1939. De la Grande Guerre sort une Europe absolument transfigurée, épuisée, traumatisée, modernisée de force. Là où je veux en venir, c’est que la Grande Guerre et ce XXesiècle de barbarie absolue nous interrogent sur la nature profonde de l’Homme.

Paul Valéry, dans le livre que je citais en début de propos, nous dit l’ambiguïté fondamentale de l’esprit humain qui tout en prétendant être hautement « civilisé », a apporté sa contribution à cette « guerre civile européenne » que fut la Grande Guerre. Valéry nous dit : « Tant d’horreurs n’auraient pas été possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant d’hommes, dissiper tant de biens, anéantir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualités morales. Savoir et devoir, vous êtes donc suspects.»

La suspicion dont nous parle Valéry, nous avons l’impérieux devoir de la surmonter en pensant, comme citoyens, deux réalités qui engagent l’avenir de nos enfants, petits-enfants et de ceux qui les suivront… j’espère. Ces deux réalités ce sont l’Europe d’une part et la vie sur le globe terrestre d’autre part. Il serait trop long de développer mais quand je vois en ce moment même monter les extrémismes, les populismes, les nationalismes dans certains Etats européens dont le nôtre, quand je constate que l’intérêt des peuples pour la démocratie décline, je pense aux sacrifices des poilus, je pense aux massacres de la seconde guerre mondiale et à la trop grande passivité, dans les deux cas, des gouvernements et des populations qui ne demandaient à l’époque que la paix et la tranquillité et c’est bien naturel.

Dans le même ordre de réflexion, ayons en tête que dans ce XXIe siècle si proche des massacres des deux guerres mondiales, c’est l’existence du genre humain sur la planète qui est posée. Il n’est pas encore trop tard pour réagir de manière adaptée aux enjeux. Même si le temps presse ! Nous en avons, je veux le croire, les facultés intellectuelles. Les Hommes ont besoin de mythes pour donner sens et force aux constructions politiques, construire leur existence et vivre en société***. Le mythe du Progrès s’est déployé depuis le XIXe siècle avec tout autant de grandeurs que de misères. Alors surmontons la suspicion dont nous parle Paul Valéry. Conjuguons le savoir et le devoir, toujours au bénéfice du genre humain et de son avenir. Si nous y parvenions, nous serions dignes de ceux qui partis de Berrac et d’ailleurs sont morts pour la Patrie.

Vive la République Française,
Vive la France !
Vive l’Europe !
Vive la Concorde Universelle !

Franck Montaugé, Berrac, le 14 octobre 2018


*  La commune de Berrac, avec 12 autres communes gersoises, s’est vue décerner le label de la mission du centenaire 14-18  http://www.centenaire.org/fr pour l’originalité et la qualité de la cérémonie commémorative de l’armistice de la Grande Guerre qui s’est donc déroulée ce 14 octobre 2018.

** le site du centenaire donne la liste des grands textes de notre littérature consacrés à la Grande Guerre. Du côté allemand Ernst Jünger et son libre « Orages d’acier ».

*** Je conseille la lecture de l’ouvrage de Pierre Musso « La Religion industrielle : monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise »

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10 mai, journée nationale de commémoration de l’esclavage, des traites et de leur abolition

Publié le 11 mai 2018

Le dépôt de gerbe de Jean-Jacques Ortholan, maire de L'Isle-de-Noé. ©franckmontauge.fr
Le dépôt de gerbe de Jean-Jacques Ortholan, maire de L’Isle-de-Noé. ©franckmontauge.fr
Pendant le discours du sénateur Franck Montaugé ©franckmontauge.fr
Pendant le discours du sénateur Franck Montaugé ©franckmontauge.fr
Pendant le discours de la préfète du Gers, Catherine Séguin. ©franckmontauge.fr
Pendant le discours de la préfète du Gers, Catherine Séguin. ©franckmontauge.fr
Recueillement devant la stèle Toussaint Louverture. ©franckmontauge.fr
Recueillement devant la stèle Toussaint Louverture. ©franckmontauge.fr

Le sénateur Franck Montaugé a participé, jeudi 10 mai à L’Isle-de-Noé, à la cérémonie de commémoration de l’esclavage, des traites et de leur abolition, un événement organisé chaque année au pied de la stèle Toussaint Louverture, cet ancien esclave devenu général. Journée commémorative de l’abolition de l’esclavage en France métropolitaine, la date du 10 mai correspond à l’adoption par le Parlement, le 10 mai 2001, de la loi Taubira «reconnaissant la traite négrière transatlantique et l’esclavage ». A l’Isle-de-Noé d’où est originaire la famille des comtes de Noé, on entretient fidèlement la mémoire d’un épisode de la longue et douloureuse histoire de l’abolition de l’esclavage: l’affranchissement, en 1776 par Louis-Pantaléon de Noé, de l’esclave Toussaint Louverture qui deviendra plus tard général de l’armée républicaine, puis chef de file de la révolution haïtienne.

Cette cérémonie à laquelle ont participé les enfants de l’école de L’Isle-de-Noé s’est déroulée en présence de Jean-Jacques Ortholan, maire de L’Isle-de-Noé, Catherine Séguin, préfète du Gers, du député Jean-René Cazeneuve, de Fatma Adda conseillère régionale et des conseillers départementaux Gérard Castet et Nathalie Barrouillet. Les participants ont pu découvrir une oeuvre de l’artiste béninois Aureil Patrick Bessan évoquant la traite négrière intitulée « Le Navire négrier ». Voici le texte du discours prononcé à cette occasion par le sénateur Franck Montaugé :

Parmi les institutions de la République française, il en est une qui entretient de manière particulièrement vivace la mémoire de l’esclavage et des traites, c’est le Sénat. C’est en effet le sénateur Victor Schoelcher qui est l’initiateur du décret d’abolition de l’esclavage par la France signé le 27 avril 1848, sous la IIe République, la forme du pouvoir politique de l’époque étant ici décisive. Et s’il est une commune métropolitaine française qui est particulièrement attachée à ce fait majeur de notre Histoire, c’est bien la commune de l’Isle-de-Noé.

Pour les raisons qui ont été rappelées par Monsieur le Maire et parce que l’affranchissement de Toussaint Louverture annonçait le grand mouvement des abolitions qui allait se déployer dans de nombreux pays du monde occidental au cours du XIXe siècle, tout en reflétant un progrès considérable de la conscience morale d’un homme puissant, Louis-Pantaléon de Noé propriétaire de la Maison, de la plantation Breda en Haïti. A ces deux raisons particulières qui me touchent personnellement s’ajoute pour nous tous, en tant que citoyens, le devoir de prendre appui sur la connaissance du passé pour comprendre le présent et construire l’avenir.

La quantification du phénomène ne fait pas l’unanimité des spécialistes mais les trois traites négrières auraient concerné plus de 40 millions d’êtres humains. La traite orientale vers le monde arabo-musulman, 17 millions, celle interne au continent africain, 14 millions, et l’occidentale, encore appelée « atlantique », 11 millions. Au total, ce sont plus de 40 millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont été victimes de ce système de pouvoir que le chercheur du CNRS et professeur au Collège de France Alain Testard qualifie d’Institution. Et il dit en substance que «sous l’esclavage git la question du pouvoir », et il démontre qu’il existe un lien direct entre l’esclavage et l’émergence de l’Etat.

Aimé Césaire affirmait, lui, que ce qui s’était passé pendant des siècles était irréparable. Et en écho à cette phrase le Président Hollande disait le 10 mai 2017, lors de la commémoration nationale dans le Jardin du Luxembourg : « On ne peut effacer le passé mais on doit le dépasser.»

Les grands textes législatifs comme la loi Taubira de 2001, les journées de commémoration comme le 10 mai, les lieux comme ici à l’Isle-de-Noé, les symboles comme la canne qui est au musée de Mirande, les écrits historiques, scientifiques, littéraires ou poétiques, les institutions comme le « Mémorial ACTe » à la Guadeloupe ou la future « Fondation pour la mémoire de l’esclavage, des traites et des abolitions » lancée par le Président Hollande et dont la direction vient d’être confiée au Premier Ministre Jean-Marc Ayrault par le Président Macron sont autant de jalons, de points d’appui pour réaliser, dans l’objectif d’un progrès des consciences, ce dépassement nécessaire.

A propos de l’avenir de notre monde, un monde profondément marqué par les effets directs (humains) et indirects (économiques et politiques) de l’esclavage et des traites, Edouard Glissant écrivait (il parle de l’avenir) : «Nous entrerons alors dans l’archipel inédit où les communautés humaines pourront se connaître, s’équivaloir, et changer en changeant sans pour autant se perdre et se dénaturer.» Le message qu’il y a dans cette phrase c’est celui de la promesse républicaine, le message d’une promesse qu’il nous revient de concrétiser pour le plus grand nombre de nos congénères en difficulté, en souffrance.

L’esclavage existe encore dans le monde et parfois même sur le sol français, des affaires à dimension diplomatique nous l’ont rappelé il y a encore peu. L’asservissement, sans reposer sur le principe de la propriété mobilière de l’être humain, prend aujourd’hui d’autres formes, toutes aussi inadmissibles que l’esclavage et dont très souvent les femmes sont les premières victimes.

Le message d’Edouard Glissant fait écho aux souffrances actuelles du monde et surtout d’êtres humains jetés pour des raisons diverses sur les routes de l’exil… quand ils n’ont pas été martyrisés. Dans le village-monde où nous vivons, cette question nous concerne, nous Français, Européens, Occidentaux, et nous devons contribuer à sa résolution, à proportion des facultés qui sont les nôtres. Traitons-là sans naïveté, en ayant en ligne de mire la société qu’Edouard Glissant appelle de ses vœux, en politique responsable et en poète visionnaire !

Pour terminer, vous avez peut-être vu sur Arte il y a quelques jours une série documentaire intitulée « Sur les routes de l’esclavage ». Si ce n’est pas le cas je vous la conseille, il s’agit d’une fresque historique, construite à partir des travaux de chercheurs et d’historiens de renom, du monde entier, et couvrant plus de deux millénaires. En conclusion de ce travail, M. Vincent Brown, lui-même descendant d’esclaves, professeur à l’université d’Harvard dit la chose suivante, je le cite : « On aura vraiment progressé le jour où on reconnaitra tous l’esclavage comme faisant partie de notre histoire commune. L’histoire de l’esclavage n’est pas l’histoire des noirs ni juste celle de la colonisation blanche. L’histoire de l’inégalité des hommes est notre héritage et nous devons tous la combattre. Les blancs ne doivent pas se considérer uniquement comme les descendants des propriétaires d’esclaves mais aussi comme des descendants d’esclaves, les noirs comme des descendants de propriétaires d’esclaves. On doit considérer qu’on a hérité des structures fondamentales de ces sociétés. Ce qu’on fait de ces inégalités dépend entièrement de nous ! C’est ça qui peut vraiment nous aider à aller de l’avant en tant que société.»

C’est un Américain qui parle, mais ce qu’il dit est aussi transposable à l’histoire de notre pays, la France. Je fais mienne cette parole qui est aussi un message que doivent entendre les puissants du monde contemporain, les puissants n’étant pas toujours là où on les croit.

Que vivent dans le cœur des hommes et des femmes, sur toute la Terre, la Liberté, l’Egalité et la Fraternité ! C’est le message que nous ont transmis Louis-Pantaleon de Noé, François-Dominique Toussaint-Louverture, Victor Schoelcher et bien d’autres. Sachons l’entendre pour le monde que nous avons en partage et en responsabilité de construire.

Vive la France ! Vive la République Universelle !


Téléchargez ici le discours du sénateur

Revoir ici la série documentaire “Les Routes de l’esclavage”

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Castelnau-sur-l’Auvignon: pour l’honneur de la République française

Publié le 23 juin 2016

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billet_carreEn remettant, le 21 juin dernier à Mme Jeanne Robert, la croix de chevalier de la Légion d’honneur, le préfet du Gers n’a pas seulement réparé un oubli ayant pris la forme d’une injustice, il a signifié aussi que plus de 70 ans après les funestes années de guerre, la Nation n’était pas près d’oublier ces hommes et ces femmes, souvent anonymes, ayant pris tous les risques pour faire triompher les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent notre République.

Jeanne Robert aura donc attendu d’avoir atteint l’âge respectable de 101 ans pour que son engagement exemplaire soit officiellement reconnu. Cet hommage tardif n’enlève rien, bien au contraire, à l’exemplarité d’une vie incarnant l’esprit de résistance. Engagée volontaire de la première heure, la jeune institutrice de Lille est recherchée par la Gestapo dès le mois de juin 1941. Passée en zone libre, elle réussit à se faire nommer à Castelnau-sur-l’Auvignon. C’est dans son logement de fonction qu’elle crée le réseau de résistance Victoire. Chez elle, elle reçoit des agents des services secrets alliés, dont le fameux lieutenant-colonel anglais George R. Starr, alias “Hilaire”, à l’origine de la création du réseau SOE “Hilaire-Buckmaster”, l’un des plus vaste et efficace réseau de résistance en France.

Jusqu’au 18 octobre 1943, date de son départ vers l’Angleterre, elle participe dans toute la région à nombre d’opérations clandestines, risquant sa vie et à maintes reprises l’arrestation. Quelques mois plus tard, le 21 juin 1944, le village résistant sera le théâtre d’une cruelle bataille qui fera quatorze victimes dont trois civils. Parmi les combattants, des Français du réseau Victoire, des Britanniques du SOE, des Italiens de la brigade Marcel-Langer et des guerilleros espagnols. La destruction par les maquisards de la tour carrée qui abritait un dépôt de munition entraînera, en représailles, l’incendie par les Allemands de toutes les maisons du village. Après la libération, Castelnau-sur-l’Auvignon recevra la croix de guerre avec étoile de vermeil.

Fidèle au village, Jeanne Robert y passera le reste de sa vie, ne manquant jamais la cérémonie qui, chaque année le 21 juin, rend hommage aux sacrifiés de 1944. L’école de Castelnau porte aujourd’hui son nom et son histoire est régulièrement enseignée aux élèves gersois. L’émotion simple et sincère avec laquelle elle a reçu sa croix de chevalier de la Légion d’honneur, les mots qu’elle a prononcés pour en partager le mérite avec ses anciens compagnons de résistance aujourd’hui disparus, témoignent d’un caractère porté à l’abnégation.

A 101 ans, Jeanne Robert est toujours la femme de convictions qu’elle était déjà il y a plus de 70 ans. Elle est l’incarnation de l’engagement, de la fidélité et du courage, des vertus précieuses, dont notre humanité continue d’avoir désespérément besoin. L’exemple de sa vie simple et droite doit être partagé avec le plus grand nombre, car il est non seulement inspirant mais aussi porteur d’espoir. Parce que nos valeurs les plus chères ne sont pas négociables, parce qu’il est bon de savoir que quelles que soient les circonstances, il y aura toujours des hommes et des femmes comme Jeanne Robert pour les défendre.

Franck Montaugé

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“Ne jamais transiger avec les valeurs de la République”

Publié le 7 août 2015

Le sénateur Franck Montaugé se recueille devant le mémorial de Toujouse. ©franckmontauge.fr
La ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem dépose une gerbe. ©franckmontauge.fr
Pendant le discours de Najat Vallaud-Belkacem. ©franckmontauge.fr

Le sénateur Franck Montaugé s’apprête à prendre la parole. ©franckmontauge.fr
A la fin de la cérémonie, Najat Vallaud-Belkacem salue les porte-drapeaux. ©franckmontauge.fr
Le sénateur Franck Montaugé salue les porte-drapeaux. ©franckmontauge.fr

Instant de recueillement devant les stèle des trois martyrs du bois de Bascaules. ©franckmontauge.fr
Pendant le discours de Jacques Tartas, le maire de Toujouse. ©franckmontauge.fr
Jacques Tartas, le maire de Toujouse, accueille la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem. ©franckmontauge.fr

“En billet_carremarchant, le 21 juin dernier, sur le “chemin de mémoire” de Castelnau-sur-l’Auvignon; en me recueillant, ce dimanche 5 juillet, devant les tombes des 76 tués du maquis de Meilhan; en écoutant, ce jeudi dans le bois de Bascaules à Toujouse (1) ce beau Chant des Partisans dont je n’oublie pas que les tout premiers feuillets ont été imprimés le 25 septembre 1943 à Auch dans le premier numéro des Cahiers de Libération (ce qui valut aux cinq héros (2) clandestins de l’imprimerie Moderne d’être arrêtés et déportés), je me dis que ces rendez-vous commémoratifs annuels, ces rites du souvenir, ne doivent pas être de simples événements réservés aux officiels de la République, aux porte-drapeaux et autres dépositaires de la mémoire combattante, mais qu’ils devraient au contraire être des moments de partage et de retrouvailles entre tous, autour de ce qui forge et forgera encore une histoire commune, notre histoire.

Chaque année aux beaux jours revenus, nous avons pris l’habitude du recueillement dans ces hauts-lieux de la résistance où, de juin à août 1944, des hommes et des femmes sont tombés sous les balles allemandes ou collaborationnistes. 71 ans après, il importe que l’on se raconte encore et encore ce qui s’est passé le 21 juin 1944 à Castelnau-sur-l’Auvignon, le 7 juillet à Villefranche-d’Astarac, le 26 juillet à Viella, le 6 août à Toujouse dans le bois de Bascaules ou à Auch et L’Isle-Jourdain fin août pour libérer notre département. Castelnau, ce village gersois dans lequel s’était établie une tête de pont de la Résistance a été incendié par l’occupant au terme d’âpres combats contre le bataillon de l’Armagnac du commandant Maurice Parisot et de George Starr, l’espion anglais du SOE. 14 hommes, des résistants qui avaient eu le courage de prendre les armes, sont tombés ce jour-là. En se retirant, les maquisards ont fait sauter l’une des tours du château médiéval dans laquelle ils avaient entreposé leurs munitions. Le village qui, fort heureusement, avait été évacué de ses habitants avant le début des combats, a été détruit en représailles. Castelnau-sur-l’Auvignon est aujourd’hui la seule commune du Gers titulaire de la Médaille militaire, cette “médaille des braves” qui n’est décernée que pour des services militaires exceptionnels.

Les faits seront plus tragiques encore le 7 juillet à Villefranche-d’Astarac, lorsqu’au petit matin, plus de mille soldats allemands encerclent les 95 hommes du maquis de Meilhan, un groupe commandé par le docteur Joseph Raynaud. Depuis le 24 juin, ces hommes décidés mais faiblement armés s’étaient établis dans deux fermes, au “Priou” et à “Larrée”, des lieux-dits en bordure de bois. La bataille, d’une grande violence, ne durera pas plus de deux heures mais fera de nombreuses victimes: 76 en tout et parmi elles, quatre otages, des voisins agriculteurs que les Allemands furieux sont allés chercher pour les fusiller sans autre forme de procès.

En écoutant, dimanche, l’appel des 76 noms cités un à un par Valérie et François, les petits-enfants du docteur Joseph Raynaud, en regardant les œillets qui fleurissent chacune des 76 tombes creusées sur les lieux-mêmes du massacre, je me dis que cet instant de recueillement n’a pas pour seule vocation d’entretenir le souvenir individuel de chacun de ces héros magnifiques du 7 juillet 1944. Il est aussi l’occasion de nous rappeler ce que nous devons aujourd’hui à leur sacrifice d’hier: 621.960 heures de paix, 25.915 jours sans guerre, 71 ans sans tueries ni destructions de masse. Couchés dans leurs tombeaux, ils continuent de nous adresser un message que nous ferions bien d’entendre et de diffuser à notre tour. Alors que la barbarie se déchaîne toujours et encore au Moyen-Orient et en Afrique, alors que la menace étend son ombre jusque sur nos villes de province, ils nous disent ceci: “On ne transige pas avec les valeurs de la République, car ceux qui l’ont fait en 1940, sous couvert d’une prétendue révolution nationale, ont conduit le pays à sa ruine et nous, au tombeau.”

Le sacrifice de ces hommes courageux n’est pas vain et il ne le sera jamais, tant que nous, leurs enfants et petits-enfants, puis demain tous leurs descendants à venir, feront vivre cet idéal de Liberté, d’Egalité et de Fraternité pour lequel ils ont pris les armes. Le 19 août prochain, comme bien d’autres villes en France, Auch commémorera le jour de sa libération. Participer à cet événement n’est pas faire acte de complaisance mémorielle ni une façon malsaine d’exalter un passé glorieux. C’est une manière d’être au présent, fier de ses convictions, confiant dans ces valeurs de démocratie que tant d’ennemis tapis dans l’ombre et cherchant, ça et là, à imposer la terreur, voudraient abattre. Nous sommes tous les filles et les fils de ces résistants morts pour la France. Souvenons-nous de ces glorieux parents et construisons un avenir qui les honore. Vive la République, vive la France!”

Franck Montaugé


1- Téléchargez ici le discours du sénateur prononcé à Toujouse

2- Marie-Louise Laffargue, Jeanne Daguzan, Charles Borel, Louis Groullier, Louis Radix

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