Dans le cadre de la discussion du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine », le Sénat vient d’adopter un amendement déposé par le sénateur Franck Montaugé pour favoriser la création de « pôles nationaux de référence » dont le but serait de « rassembler, conserver et valoriser des collections publiques non présentées, selon des thématiques précises définies préalablement dans un projet scientifique et culturel ».
« Les musées de France sont dotés d’exceptionnelles collections reconnues pour leur qualité et leur diversité, a expliqué Franck Montaugé qui note toutefois « qu’une grande partie d’entre elles n’est pas exposée, non pas en raison du manque de place, mais parce qu’elles ne correspondent pas au projet scientifique du musée. Elles n’en constituent pas moins un patrimoine de grande valeur qui mériterait une plus large diffusion. »
Et le sénateur du Gers de s’appuyer sur l’exemple symptomatique des collections des Amériques: « L’inventaire dressé par Pascal Mongne en 2003 montre une situation paradoxale où une hyper concentration en région parisienne contraste avec une très forte ventilation dans le reste de la France. A ce jour, dit-il, ont été répertoriés 173 musées abritant plus de 193300 pièces réparties de la façon suivante:
- Musée du Quai Branly: 163300 objets, soit 84%
- Musée des Jacobins à Auch: 10000 objets, soit 5%
- 171 autres musées: 20500 objets, soit 11%
« Cette répartition comprend une forte proportion d’ensembles de moins de cinquante pièces, explique Franck Montaugé. Une situation singulière qui fait que très peu de musées disposent de collections suffisantes pour développer une présentation pertinente. Dans le même esprit, dit-il, d’autres pôles nationaux de référence pourraient être envisagés, par exemple pour les arts océaniens à Rochefort, les arts africains à Bordeaux, les arts asiatiques à Nice, les arts d’Amérique du Nord à Boulogne-sur-Mer, etc. »
L’amendement proposé invite ainsi à introduire dans la loi une disposition visant à favoriser le regroupement de collections publiques existantes mais inexploitées dans des musées institués, labellisés en « Pôle national de référence ». « Dans une logique d’aménagement du territoire, sous l’impulsion des musées eux-mêmes et sous réserve de l’avis du Haut Conseil des musées de France et des grands départements dont ils dépendent, pourraient être constitués des musées territoriaux, reconnus pour la spécificité de leurs collections, le soin qui a été apporté à leur mise en valeur et la qualité du travail scientifique, pour devenir des lieux de rassemblement privilégiés de ces collections », ajoute Franck Montaugé.
« Dans le cadre de conventions, un dispositif de dépôts compensatoires pourra être mis en place avec les fonds des musées nationaux pour encourager les musées territoriaux à déposer leurs collections ou en transférer leur propriété. Développé à l’échelle nationale et pour des collections de natures très diverses, le dispositif proposé pourrait constituer un axe nouveau et original des politiques territorialisées du ministère de la Culture et de la communication contribuant à l’aménagement et à la valorisation culturelle des territoires ruraux. Ces politiques pourraient être développées sans coût supplémentaire pour le budget de l’Etat, les frais induits étant assumés dans le cadre d’une convention par les parties prenantes locales des projets, sous label du ministère de la Culture et de la communication », dit-il.
Cet amendement adopté, s’il est maintenu dans la loi au terme de son examen par les deux Assemblées, permettra au musée des Jacobins qui possède la deuxième collection d’objets d’art précolombien de France, de briguer ce statut de Pôle national de référence. Ainsi que l’a souligné le sénateur de Seine-et-Marne Vincent Eblé, cette disposition ne peut que favoriser la circulation des oeuvres en « fléchant » les établissements ayant acquis une véritable expertise dans un domaine spécifique.