Dans le cadre des travaux de la délégation aux collectivité territoriales et à la décentralisation, le sénateur Montaugé, avec trois de ses collègues (MM. Delcros, Husson et Vall), a remis en janvier 2020 un rapport (lire ici) qui fait 33 recommandations au Gouvernement et à l’État pour faciliter le développement des territoires ruraux.
Les ruralités souffrent d’un puissant sentiment d’iniquité, fondé sur la perception d’une prise en compte insuffisante de leurs difficultés, mais aussi de leurs atouts, de la part des pouvoirs publics comme, plus largement, des observateurs.
Trop souvent braqué sur les métropoles, les banlieues et la vie urbaine, le regard des media et des institutions minimise l’importance de la ruralité. Le langage employé est trop souvent dépréciatif et ne valorise que rarement les apports des ruralités à la société. La statistique a longtemps fait de la ruralité un résidu univoque de l’urbanisation, et a choisi des modes d’appréhension qui ont fortement réduit la perception de sa dimension, conduisant à négliger le fait qu’elle concerne, en réalité, plus des deux tiers du territoire et un tiers de la population. (lire ici)
Une première étape dans la prise en considération de la réalité rurale est de la mesurer correctement en tenant compte, non seulement de sa démographie mais aussi de ses aménités, à savoir de tous les éléments qu’elle apporte à la communauté nationale, des paysages à l’agriculture, en passant par la production d’énergie décarbonée ou les ressources en eau, etc. (Recommandations 1 à 4).
Pour mémoire, le sénateur Montaugé plaide toujours et depuis des années la nécessité d’une loi de « reconnaissance et de développement des territoires ruraux » qui permettrait véritablement de changer de paradigme, avec responsabilité et pragmatisme, dans le cadre d’un débat national que les événements sociaux partis des territoires ruraux en 2018 n’ont fait que justifier.
Loin d‘une image de déclin, trop souvent véhiculée, la ruralité, au-delà de ses fragilités, est travaillée par de nombreuses dynamiques de développement économique, social ou culturel. Les collectivités locales sont pleinement engagées pour favoriser et encourager ces élans créatifs. Cela suppose que l’État central entende davantage les territoires ruraux en matière de conception générale de la politique d’aménagement du territoire, mais aussi en ce qui concerne la définition des instruments concrets de cette politique, au premier chef par la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) (Recommandations 5 à 12).
De son côté, l’État territorial doit s’organiser pour être davantage « facilitateur ». Or, cet État territorial a été singulièrement fragilisé, depuis des années, par une série de réorganisations (RGPP, MAP, RéATE …), par des réductions drastiques et une véritable fuite de ses compétences. Pourtant, les élus et les territoires ruraux ont besoin d’un accompagnement des services déconcentrés de l’État. De nombreuses collectivités rurales éprouvent en effet un quadruple besoin : un besoin de dialogue stratégique organisé, un besoin de concertation simplifiée sur les projets, un besoin de financements adaptés et stables et un besoin de compétences d’ingénierie.
Par ailleurs, pour certains territoires, aucun développement de long terme n’est possible sans une aide de l’État qui vienne compenser certains handicaps, dont le principal est l’enclavement, qui empêche un territoire de communiquer correctement avec les autres, d’accueillir des innovations et de faire valoir ses atouts. Dans ce cadre, l’État doit mettre en place une politique d’implantation cohérente de ses services sur les territoires et, d’autre part, mettre à disposition des territoires le socle minimal de services leur permettant de se développer (Recommandations 13 à 19).
Au-delà de ce partenariat, les institutions locales jouent un rôle considérable en accueillant les projets utiles à leurs territoires et en les aidant à s’épanouir. Le territoire national fourmille de bonnes pratiques en la matière qui s’appuient généralement sur le quadriptyque suivant : inscrire la ruralité dans un projet de territoire cohérent ; nouer des alliances et articuler les territoires ; repenser et adapter l’offre de services aux habitants ; organiser l’ingénierie territoriale. L’élaboration de projets de territoire est un gage de cohérence de l’action publique locale, c’est aussi un outil puissant pour créer une dynamique locale. Évidente dans les territoires de projet (PETR, SCoT, PNR…), elle est tout aussi importante dans les intercommunalités.
Un autre gage de réussite pour les territoires ruraux et leurs collectivités réside dans leur capacité à nouer des alliances et à assurer des coopérations entre territoires (lire ici) Il s’agit d’obtenir une taille critique en termes de moyens, d’éviter des phénomènes de concurrence territoriale et d’interconnecter les territoires pour permettre plus de solidarité et créer des dynamiques communes. Collectivités et intercommunalités rurales ne peuvent se substituer aux entreprises ou à l’État mais elles peuvent contribuer, par leurs investissements, à créer les conditions favorables pour atteindre un objectif essentiel à leur développement : stabiliser, voire accroître leur population.
Par ailleurs, l’amélioration de l’offre de services est cruciale pour les habitants et les collectivités doivent pouvoir contribuer à leurs évolutions par la modernisation, sans dégradations et pour toutes les catégories d’usagers sans exception. La modernisation des services est une triple source de développement pour les territoires. Elle permet de stabiliser la population en l’encourageant à rester sur place. Elle constitue un soutien aux entreprises qui contribuent à mettre en place ces services. Elle permet à des entreprises de s’implanter dans les territoires ruraux grâce à la qualité des connexions de toute nature dont elles pourront bénéficier. Les principaux services dans lesquels les collectivités s’investissent pour redonner du souffle à leurs territoires sont ceux qui permettent de structurer et d’ouvrir ces territoires (transports, numérique…) et ceux qui permettent à la population de demeurer sur place ou de s’installer (enseignement, santé, commerces, culture, vie associative …).
Toutefois, à la base de tout projet de développement local figurent les capacités d’ingénierie territoriale. Celles-ci, souvent fragiles et mal réparties, doivent être renforcées et davantage coordonnées. (Recommandations 20 à 33).