La solution proposée par la communauté d’agglomération du Grand Auch pour sauvegarder l’abattoir et les 90 emplois qui y sont attachés est originale et tranche avec les tendances françaises et européennes à la concentration sur de grandes unités industrielles par la fermeture des petites unités existantes. C’est ce qui a été souligné lors de la présentation, la semaine dernière dans les locaux de la chambre d’agriculture, de la SAS AAA-Gers (Alliance Abattoir Auch-Gers), la société qui sera chargée de l’exploitation du site une fois que la collectivité s’en sera portée acquéreur et que les travaux de modernisation qu’elle va entreprendre auront été achevés.
A l’heure où partout en France, on impose un regroupement des petites structures d’abattage locales en unités plus grosses, le montage imaginé par Grand Auch agglomération avec le soutien local de l’Etat et grâce à la mobilisation de toute une profession fait figure d’acte de résistance à l’égard de ceux qui voudraient que les filières d’élevage locales aillent faire abattre leurs bêtes ailleurs. La réussite de ce projet repose sur le respect des engagements d’apport d’une bonne partie des éleveurs et des acteurs de la filière gersoise. Les normes que l’Union européenne pourraient adopter en matière de distance de transport pourraient également y contribuer. Une option crédible selon de nombreux observateurs qui voient progresser les notions de bien-être animal en même temps qu’augmente la pression environnementale pour faire reculer le transport routier.
« Lorsque le balancier reviendra, il faudra de nouveau des unités de proximité, et nous serons bien contents, ici, d’avoir su préserver cet outil » disent d’une voix unanime les principaux acteurs du projet, du vice-président de la chambre d’agriculture Bernard Malabirade au préfet du Gers, Jean-Marc Sabathé, en passant par le sénateur et président de la communauté d’agglomération du Grand Auch Franck Montaugé. « Oui la collectivité prend un risque, mais ce risque a été évalué, mesuré et il est entièrement couvert par le montage que nous avons réalisé » explique ce dernier.
Le montage en question est simple: la communauté d’agglomération se porte acquéreur des murs et du foncier du site, elle réalise les travaux de modernisation nécessaires, et les exploitants lui versent un loyer qui couvre le montant des emprunts. La condition à tout cela: que les acteurs de la filière se mobilisent pour créer une société d’exploitation du site et qu’ils s’engagent à assurer un apport minimum de 4100 tonnes par an. Si le montage est simple, sa mise en oeuvre a néanmoins nécessité de convaincre un grand nombre de partenaires et d’obtenir des subventions substantielles de la part de l’Etat, du conseil régional (qui ne s’est pas encore complètement prononcé) et du conseil départemental, à hauteur du plafond maximum de 40% du montant total de l’opération.
La mobilisation des acteurs de la filière qui a permis d’annoncer, le 17 avril dernier, la naissance officielle de la société AAA-Gers confirme s’il en était besoin la nécessité de sauver un outil industriel de proximité. La pérennité de cet abattoir est d’ailleurs au coeur des projets inscrits dans le cadre du Pôle d’excellence rurale « Développement des viandes de qualité du Gers ». Construit en 2010, ce « PER » s’est donné pour objectif de consolider la filière « viande d’élevage » gersoise et de développer des débouchés sur des circuits commerciaux de proximité.
Les actionnaires engagés dans la SAS AAA-Gers se répartissent en trois catégories: 1- Les associés utilisateurs qui apportent plus de 100 tonnes par an à l’abattoir d’Auch (Arcadie Sud Ouest, 3700 tonnes; Sodeco, 700 tonnes; Gers Boeuf, 400 tonnes). 2- Les associés utilisateurs à moins de 100 tonnes (Auch Elevage, Pépieux Alliance bovine, ainsi que des éleveurs indépendants). 3- Les associés simples apporteurs de capital: Société des éleveurs pour l’économie départementale (SEED), Groupement départemental de défense sanitaire des animaux (GDS), Chambre d’agriculture du Gers, les coopératives Lur Berri, Vivadour, Gersycoop, Val-de-Gascogne, le Crédit agricole. Le capital social de l’entreprise est de 143900€. « Compte-tenu que ce projet revêt un caractère d’intérêt général pour notre département, ses actionnaires souhaitent que la SAS soit aussi ouverte plus largement à tous les opérateurs ayant un intérêt à ce que cet outil fonctionne et soit pérenne », expliquent les responsables d’Interbovi Gers, l’interprofession départementale de l’élevage.
« La concrétisation de ce projet est le fruit d’une mobilisation et d’une solidarité territoriales exemplaires », déclare Franck Montaugé. Toutes les conditions étant désormais réunies, il va pouvoir entrer dans sa phase de réalisation concrète. Les délais légaux des procédures de passation de marchés permettent d’envisager la livraison d’un outil entièrement modernisé d’ici un an. Les éleveurs et les metteurs en marché qui le souhaitent peuvent toujours adhérer au projet et entrer en nom propre au capital social d’AAA-Gers à partir de 100 euros. « Je suis confiant dans la pertinence de cet outil qui va contribuer à consolider et à développer, je le souhaite, nos filières d’élevage locales » ajoute le sénateur Montaugé.
Les chiffres clefs de l’élevage gersois
- 1960 exploitations bovines sur 7800 exploitations agricoles
- 50300 vaches dont 85% pour la filière viande d’élevage
- 85000 hectares, soit 19% de la surface agricole utile (SAU) du Gers sont consacrés à l’élevage avec les prairies et les cultures fourragères
- 9% du chiffre d’affaires de la « ferme Gers » provient de la production de viande bovine.
- Sur 40000 animaux vendus sur une année, 12800 (32%) sont destinés au commerce de boucherie (environ 4000 tonnes)
source: Réseaux d’élevage IGP 2013/ chambre d’agriculture du Gers