Le Sénat a adopté mercredi 22 octobre 2025, en seconde lecture, une proposition de loi visant à créer un statut de l’élu local. Fruit d’un travail transpartisan, ce texte a pour ambition d’apporter des réponses concrètes à certaines difficultés rencontrées par les élus sur le terrain : encourager l’engagement local, faciliter la conciliation entre mandat et vie professionnelle ou personnelle, et améliorer les conditions d’exercice du mandat, y compris lors de sa cessation.
S’il ne règle pas l’ensemble des difficultés que rencontrent les élus depuis de nombreuses années, ce texte constitue néanmoins une avancée importante pour la démocratie locale.
Son examen n’est pas encore achevé, puisqu’il doit désormais être adopté en seconde lecture par l’Assemblée nationale. Toutefois, de nombreuses mesures ont d’ores et déjà fait l’objet d’un accord entre les deux chambres.
Le sénateur Montaugé revient sur les principales avancées de ce texte.
1. Une revalorisation des indemnités de fonction des maires et des adjoints.
Les indemnités de fonction seront rehaussées pour les communes jusqu’à 20.000 habitants. Il a été prévu une revalorisation dégressive qui bénéficie prioritairement aux plus petites communes : +10 % pour les communes de moins de 1.000 habitants, +8 % pour les communes entre 1.000 et 3.500 habitants, +6 % pour celles entre 3.500 et 10.000 habitants et enfin +4 % pour les communes entre 10.000 et 20.000 habitants. Le sénateur Montaugé n’ignore pas que ce sujet des indemnités peut être mal compris par certains de nos concitoyens, mais il faut toujours rappeler que la démocratie locale a un coût et que l’indemnité n’est pas un privilège mais la juste reconnaissance de l’engagement des élus locaux et la condition d’un égal accès pour tous à l’exercice d’un mandat.
2. Le remboursement obligatoire des frais engagés par les élus locaux pour l’exercice de leur mandat.
Le remboursement des frais de transport et de séjour que les élus locaux engagent lorsqu’ils représentent leur collectivité ès qualités sera désormais automatique. Pour les élus en situation de handicap, les frais de déplacement, d’accompagnement et d’aide de toute nature qui sont liés à l’exercice de leur mandat leur seront également remboursés.
3. L’extension de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux (DPEL) aux communes jusqu’à 3.500 habitants.
Que ce soit la revalorisation des indemnités ou l’amélioration de la prise en charge des frais engagés pour l’exercice du mandat, nous avons prévu que les communes jusqu’à 3.500 habitants seront compensées du coût de ces mesures par le biais de la dotation particulière « élu local » (DPEL). Cette compensation devra être traduite financièrement dans le projet de loi de finances pour 2026. Avec mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, nous y veillerons quand nous serons saisis du projet de budget pour 2026.
4. Une majoration de la durée d’assurance retraite.
Le texte prévoit d’accorder aux élus locaux exerçant des fonctions exécutives ou titulaires d’une délégation de fonctions une majoration de leur durée d’assurance retraite d’un trimestre pour chaque mandat complet effectué, dans la limite de trois trimestres supplémentaires.
Avec mon groupe, nous avons défendu une bonification de huit trimestres. De nombreux élus locaux se trouvent contraints de devoir choisir un temps partiel, avec les conséquences négatives que cela peut avoir dans le calcul de leur retraite. Octroyer une bonification pouvant aller jusqu’à huit trimestres me paraissait une juste compensation. Dans le cadre d’une négociation avec le gouvernement et les sénateurs de la droite républicaine, nous sommes parvenus à ce compromis, moins ambitieux de toute évidence, mais qui n’en demeure pas moins une avancée puisque les élus ne bénéficient aujourd’hui d’aucune bonification.
5. Le possible cumul des indemnités journalières et des indemnités de fonction.
Le texte assouplit les conditions dans lesquelles les élus locaux pourront poursuivre l’exercice de leur mandat durant un arrêt maladie. Alors que les élus locaux doivent aujourd’hui obtenir l’accord formel de leur médecin, ils pourront désormais poursuivre leur mandat sauf avis contraire.
Par ailleurs, il sera désormais possible de poursuivre ses activités d’élu local le temps d’un congé maternité ou paternité et de cumuler pendant cette période les indemnités journalières et les indemnités de fonction. Dans la même logique, les élus locaux qui cesseront temporairement d’exercer leurs fonctions pour accueillir un enfant (congé maternité, paternité ou d’adoption) pourront continuer à percevoir leurs indemnités de fonction.
6. L’extension du champ des autorisations d’absence.
Pour les élus locaux qui cumulent leur mandat et une activité professionnelle, les autorisations d’absence couvriront un champ d’activités plus large. En plus des réunions du conseil ou des réunions de commissions, tout employeur sera désormais tenu de laisser à son salarié membre d’un conseil municipal le temps nécessaire pour se rendre et participer aux réunions organisées par l’EPCI, le département et la région pour lesquelles l’élu représente la commune, mais aussi aux commémorations et journées nationales.
Dans le même esprit de meilleure conciliation de l’exercice du mandat et la vie professionnelle, le texte prévoit la création d’un statut d’élu étudiant qui permettra des aménagements dans l’organisation et le déroulement de la scolarité des étudiants titulaires d’un mandat électif.
7. L’extension de l’allocation différentielle de fin de mandat.
Pour aider les élus locaux dans leur reconversion professionnelle une fois leur mandat achevé, l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) versée aux élus qui sont inscrits à France Travail, ou ont repris une activité professionnelle qui leur procure des revenus inférieurs aux indemnités de fonction qu’ils percevaient au titre de leur mandat, sera désormais ouverte à l’ensemble des maires et des adjoints. Surtout, l’ADFM pourra être versée pendant deux ans, contre un an aujourd’hui, et son montant couvrira 100% de la différence de revenu la première année et 80% de la différence la seconde année.
8. Une clarification de l’infraction de la prise illégale d’intérêts et des conditions dans lesquelles les élus représentant leur collectivité au sein d’organismes extérieurs sont considérés, ou non, comme placés dans une situation de conflits d’intérêts.
L’un des objectifs de ce texte est aussi de sécuriser juridiquement les élus et de faire en sorte qu’ils ne soient pas pénalement ennuyés lorsqu’ils agissent dans l’intérêt public, c’est-à-dire dans l’intérêt général. C’est la raison pour laquelle nous avons révisé l’infraction de la prise illégale d’intérêts pour que ce délit soit mieux défini en droit et qu’il serve à la répression des cas avérés d’atteinte à la probité, en évitant que soient mis en cause les élus locaux qui ont agi de bonne foi pour l’intérêt public.
Dans le même objectif, nous avons limité les cas dans lesquels les élus désignés pour représenter une collectivité ou un groupement de collectivités peuvent se trouver en situation de conflit d’intérêts et ce faisant, nous avons assoupli les règles de déport[1], qui posent régulièrement des difficultés aux élus locaux. Il n’y aura désormais plus d’exigence de déport ni pour les délibérations relatives à l’octroi d’une aide ou d’une garantie financière ni pour celles relatives à la désignation de l’élu en tant que représentant. Seuls seront maintenus les déports pour les délibérations liées à la commande publique. Sur cette question aussi attendue que complexe, un équilibre satisfaisant a été trouvé afin de sécuriser sans déresponsabiliser.
Par ailleurs, le texte précise enfin que le bénéfice de la protection fonctionnelle en cas de violences, de menaces ou d’outrages ne sera plus réservé aux seuls élus locaux exerçant des fonctions exécutives, mais élargi à l’ensemble des élus locaux.
9. La suppression de l’obligation de prestation de serment des maires aux valeurs de la République.
Enfin, le Sénat a fort heureusement supprimé une disposition controversée qui visait à obliger les maires, au début de chaque mandat, à prendre publiquement l’engagement de respecter les valeurs de la République. Cette mesure qui s’apparentait à une prestation de serment, à laquelle ni les parlementaires, ni les membres du gouvernement, ni même le Président de la République ne sont soumis, était inutilement vexatoire et stigmatisante. Elle introduisait une forme de suspicion vis-à-vis des élus en laissant entendre qu’ils ne seraient pas dignes de confiance, alors qu’ils sont les premiers garants du lien républicain dans nos communes.
Malgré d’importants retards résultant notamment de la dissolution de juin 2024, les travaux parlementaires ont permis de bâtir un texte qui répond aux aspirations et aux besoins exprimés par les élus locaux. S’il ne crée toujours pas ce que l’on pourrait appeler un véritable statut de l’élu local, ce texte pose néanmoins de solides jalons pour y parvenir.
Franck Montaugé souhaite qu’il soit rapidement adopté par l’Assemblée nationale – possiblement après l’examen du budget de l’État – pour qu’il entre en vigueur avant les élections municipales de mars 2026.
[1] Le fait de ne pas prendre part à une délibération en raison de la possibilité d’un conflit d’intérêt, mais également de s’abstenir de participer à toute réunion, discussions ou travaux préparatoires
