Les sénateurs Henri Cabanel (Hérault) et Franck Montaugé (Gers) sont les cosignataires d’une tribune parue dans le numéro de novembre de La Revue du Trombinoscope, le guide professionnel du monde politique. Intitulé « Agriculture: la gestion des risques, une question cruciale », ce texte revient sur la proposition de loi votée à l’unanimité par le Sénat et qui vise à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture (lire ici). Franck Montaugé et Henri Cabanel qui en sont les co-auteurs expliquent le sens de ce texte qui propose de mettre en oeuvre de manière expérimentale au niveau des régions un instrument de stabilisation des revenus.
Voici le texte dans son intégralité:
« La crise qui frappe le monde agricole depuis plusieurs années doit nous pousser à réfléchir à de nouveaux modes de soutien et d’accompagnement de nos agriculteurs. Dans un contexte mondialisé imposant des contraintes très fortes et face aux faiblesses structurelles de certaines filières, c’est la pérennité même de pans entiers de notre agriculture qui est en question. Il en va également de l’aménagement du territoire et de la vie sur nos territoires ruraux et hyper – ruraux.
Volatilité des marchés, concurrence internationale exacerbée et parfois déloyale, difficulté à maintenir des prix rémunérateurs sont autant d’éléments qui, aujourd’hui, mettent des milliers d’agriculteurs au pied du mur et les jettent parfois dans la détresse la plus absolue.
S’ajoutent à cela de façon conjoncturelle des crises sanitaires ou diplomatiques. Sans une intervention publique forte, de nombreuses exploitations agricoles disparaîtront demain. Le Gouvernement a répondu à l’urgence des crises vécues par les filières, de plans de soutien conjoncturels en lois de finances successives. Pour faire face aux difficultés dans la durée, il faut envisager des réponses structurelles permettant des modes de soutien et d’accompagnement plus pérennes.
Dans ce cadre, la question de la gestion des risques par le développement de fonds de mutualisation ou/et assuranciels revêt une importance cruciale. Actuellement, des dispositifs existent en matière de gestion des risques climatiques et sanitaires.
Demeure néanmoins la question de l’aléa économique pour lequel, aujourd’hui, peu d’outils permettent réellement de sécuriser le revenu des agriculteurs. Certes, les aides de la PAC, notamment les aides directes, constituent un revenu minimum pour chaque agriculteur mais elles ne sauraient à elles seules constituer un outil de stabilisation des revenus. Parallèlement, les dispositifs proposés par le secteur privé sont très limités et peu efficients. Nous estimons donc nécessaire que des mesures soient le plus rapidement prises pour développer des mécanismes de gestion des risques économiques en agriculture.
Avec notre proposition de loi, nous proposons de mettre en œuvre, de manière expérimentale au niveau des régions, dans un premier temps, l’article 36 du règlement UE n°1305/2013 qui permet aux États membres de créer « un instrument de stabilisation des revenus, sous la forme de participations financières à des fonds de mutualisation, fournissant une compensation aux agriculteurs en cas de forte baisse de leurs revenus ».
Cinq pistes de financement sont envisagées : 1/ une contribution volontaire des agriculteurs, à l’échelle d’un territoire ou d’une filière, prenant la forme de l’orientation d’une partie de leur droit à paiement direct vers ces fonds dans une logique de mutualisation du risque 2/ une augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales pour les surfaces de plus 2500 m2. Il s’agit de faire participer la grande distribution à l’effort collectif, au vu de sa responsabilité dans la guerre des prix sur les produits agricoles 3/ la mise en place d’une taxe sur les transactions financières agricoles réalisées sur les matières premières agricoles, comme juste retour de la spéculation sur l’agriculture 4/ une hausse de la contribution de la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles, pour lutter contre l’artificialisation des sols, en s’assurant d’un retour d’une partie de la plus-value de cession vers l’agriculture 5/ enfin, un abondement par l’État, les collectivités territoriales et éventuellement le FNGRA.
Ce texte qui a été voté à l’unanimité au Sénat montre bien la volonté des élus de tous bords d’avancer sur ce sujet. Au-delà de ce dispositif dont l’expérimentation devra être évaluée dans tous ses aspects, nous pensons que la création d’un 3e pilier de la PAC, exclusivement consacré à la gestion des risques et prioritairement les risques de marché, pourrait utilement être envisagée dans le cadre des débats de la future PAC (post 2020). »